Yukito était un enfant androgyne et frêle. Il était souvent confondu avec une fille avec sa peau lisse et son teint pâle et légèrement rosé. Il possédait de grands yeux ambrés dès sa naissance. Il hérita la couleur particulière de ses cheveux gris argentés de la branche génétique de sa mère. Souffrant d’une maladie rare et particulière de vitiligo, il a toujours possédé une chevelure soyeuse mais dépigmentée qui teint ses cheveux d’un gris argenté qu’il a toujours entretenu avec soin. Il possède quelques rares tâches au niveau des jambes, et une derrière la nuque. Mais si l'on y prête pas attention, seule la couleur de ses cheveux interpelle et peu de personnes l'ont déjà interrogé sur l'origine de cette démarcation.

A l’adolescence, le corps de Yukito change alors qu’il se découvre une passion et un talent inné pour l’art martial du Kobudo avec Saïs qu’il pratique uniquement pour le loisir. A 22 ans, son corps est fin et musclé mais la personnalité de Yukito lui donne toujours l’air frêle et fragile. Le sourire toujours aux lèvres, un regard bienveillant sur la vie, il donnera toujours l’impression de se casser en deux si on le pousse trop fort… jusqu’à ses 26 ans. Suite à de nombreux traumatismes et l’arrivée dans son quotidien de l’homme qui définira tout le reste de sa vie, il se plonge dans sa discipline de combat durant de longues années et développe plus profondément les muscles de son corps, ainsi que sa capacité à prendre des coûts... Il fera des compétitions au niveau international et se forgera un corps d’athlète de haut niveau dont la discipline sculptera ses muscles tout en finesse. Il laissera pousser ses cheveux argentés jusqu’à ce qu’ils atteignent la courbe de ses hanches. Ses cheveux dégradés autour de son visage et de ses épaules lui permettent de garder une très bonne visibilité sur ce qui l’entoure malgré la longueur considérable de sa chevelure.

Yukito est beau, magnifique selon les dires des hommes qui ont pu traverser sa vie. Il n’y a jamais vraiment prêté attention à part quand c’était lui qui le disait. A quel point il avait l’air d’un ange, son ange à lui…
Oui, il avait toujours plu aux hommes, et mêmes aux femmes. Et si plusieurs personnes lui avaient déjà dit qu’il ressemblait à un ange avec sa peau presque translucide, ses yeux ambrés qui brillait légèrement au soleil et même dans l’obscurité, et son immense chevelure épaisse et légère au vent, il n’y avait jamais cru que lorsque l’image de son corps se reflétait dans les yeux du seul homme à qui il avait appartenu.

J’aime, j’aime, j’aime mon petit ange…. Je vais bien le dorloter, bien le protéger… et, cette fois-ci, je ne laisserai pas le camion passer…

Lev lui avait dit durant les premiers temps de leur rencontre qu’il possédait une personnalité instable. Alliant subtilement gentillesse, empathie, bienveillance… et une haine profonde et violente qui pouvait resurgir durant ses accès ou ses crises de colère. Dans ces moments, il pouvait blesser n’importe qui, y compris lui-même. Il s’était même amusé, grâce à ses aptitudes de psychologue, à tester les limites de ces sentiments enfouis, de cette instabilité psychologique. Il était un jeune homme fascinant disait-il… véritablement un ange. Un ange destructeur.

J’aime, j’aime, j’aime mon petit ange….

Mais Yukito était devenu un homme. Il avait culpabilisé toute son enfance, traumatisé par la mort de ses parents, maltraité des années durant par ses tuteurs. Il s’était senti coupable d’avoir survécu, coupable de vivre. Déphasé dans cette réalité cruelle et morbide. Alors il avait courbé l’échine, il avait tout subi sans rien dire. Il avait fait tout ce qu’il avait pu pour que son existence ne gêne personne, qu’elle puisse être utile aux autres. Il avait toujours fait attention aux autres pour ne pas faire attention à lui. Il ne méritait aucune considération, alors il avait fait en sorte de donner aux autres tout ce à quoi il n’avait pas droit. Il avait même été heureux à chaque fois qu’il s’était senti utile à quelqu’un.
Mais ça, c’était avant de rencontrer Levy Mart.

Il était assis sur un banc dans le parc de l’académie. Yukito se promenait et son chemin avait croisé le sien par le plus grand d’un hasard. Et il l’avait trouvé beau, véritablement beau. Et cet homme fut le premier à s’intéressait à lui, véritablement à lui et non pas à l’apparence qu’il donnait, à l’image qu’il forgeait aux yeux des autres. Alors il était véritablement, profondément, tombé amoureux de lui. Il lui avait fait découvrir ses penchants violents et colériques, il avait remué le couteau dans les vieilles cicatrices, il avait forcé la carapace malgré lui. Et Yukito l’avait haï pour ça. Il avait voulu mourir pour débarrasser le monde de l’être ignoble qu’il se révélait être dans ces moments là. Mais Lev aimait cet homme là, ce « M. Hyde » comme il aimait l’appeler. Alors Yukito avait décidé de vivre pour le psychologue. Juste pour lui.

Puis, Lev l’abandonna à son tour.

A partir de ce jour là, Yukito ne fut plus jamais le même. Sa personnalité changea, mêlant cette fois-ci consciemment ses sombres sentiments et ses capacités violentes à son caractère ultrasensible. Il traversa sa période rebelle en devenant tout ce que Lev détestait : un homme qui se bat pour le plaisir, qui touche à la drogue, qui couche à tout va. Encore une fois, il définit sa vie par rapport au psychologue. Pour lui ou pour le rejeter, il ne put que grandir au diapason de ce qu’il ressentait pour cet homme. Cette relation fusionnelle continua de le définir lorsque Lev refit surface dans sa vie, le réclamant corps et âme. Réclamant son ange à lui, son âme sœur, le seul être qui apportait un semblant d’intérêt et de vie à celle du psychologue…
Et la réciproque était vrai.

Yukito devint un homme plutôt froid et insensibilisé à la cruauté et à la violence de la vie. Il avait connu sa dose de souffrance et il se forgea une indifférence à toute épreuve lorsque le monde le maltraitait. Il savait cependant sourire, écouter. Etre présent et aider lorsqu’il y trouvait un intérêt. Et il était rare que son intérêt soit suscité en dehors de Lev. Mais cela avait été le cas… Kazumi… des collègues… oui, certains avaient réussi à le toucher. Mais Lev avait magnifiquement fait le ménage et il l’avait laissé faire. Parce que cet homme l’aimait de la seule façon dont il avait besoin : un amour absolu et infini. Un amour fusionnel et presque destructeur. Et le jour où il avait compris qu’une personne pouvait l’aimer lui, cet être qui aurait du mourir avec ses parents, cet être qui n’avait pas vraiment sa place dans ce monde, il en avait fait le centre de son univers.

Il savait très bien évoluer seul, il avait découvert et aimé la solitude les années où Lev l’avait abandonné. Il aimait toujours lire quand l’occasion se présentait. Mais il ne se sentait exister qu’à travers et avec Lev.

Alors maintenant que la vie lui avait arraché et qu’il se retrouvait dans cette ville qui ressemblait pour lui à un enfer de solitude sur terre, il n’attendait rien de la vie ni de la mort. Il prenait les choses comme elles venaient, au jour le jour. Avec toujours au fond de son cœur et de son esprit, l’image d’un psychologue un peu fou auquel il s’adressait souvent...

Yukito est un enfant traumatisé par la mort de ses parents à l’âge de 7 ans, décédés dans un accident de voiture tragique.

De nationalité Japonaise (de sa mère) et anglaise (de son père), Yukito se retrouvera dans la seule famille qui lui reste en Angleterre jusqu’à sa majorité. N'ayant plus de grands-parents et sa mère ayant coupé les liens avec sa famille qui n'a pas supporté qu'elle ait épouser un "étranger", il est placé entre les mains du frère éloigné de son père et de sa femme. Ses tuteurs, en particulier son oncle, blâmera toujours cet enfant qu'il n'a pas vu grandir pour la mort de ses parents. Le japon lui avait pris son frère il y avait des années et faisait maintenant juridiquement porter la charge de cet enfant sur ces épaules. Enfant qui représentait tout ce qui l'avait séparé de son frère. L'état japonais lui versant une rente plus qu'avantageuse pour s'occuper de Yukito jusqu'à sa majorité, il décida de le garder et de profiter de cette rente sans jamais en faire bénéficier le jeune garçon. L’enfer que lui font vivre ses tuteurs l’enfoncera dans une certitude absolue qu’il aurait du mourir dans cette voiture et qu’il n’a pas sa place dans ce monde. Le traitant comme un moins que rien, l’humiliant et le rabaissant durant des années, Yukito grandit sans aucune confiance en lui et ayant pour seule compagnie des sentiments de culpabilité, de tristesse…. Mais aussi de colère et de haine qu’il refoule au plus profond de lui.

Il deviendra un jeune homme gentil, à l’écoute de toute le monde, prêt à aider son prochain et à se sacrifier pour les autres afin de, pense-t-il, racheter son existence dans ce monde. Il se dévouera aux autres et canalisera inconsciemment ses sentiments noirs et violents en pratiquant le Kobudo, un art martial japonais qu’il découvrira après sa majorité en déménageant au Japon pour retrouver son pays natal. Yukito donne alors l’apparence d’un jeune homme heureux de servir et d’accompagner, et même de vivre… alors qu’il cache derrière cette façade un mal être profond.

Il aurait pu continuer de vivre ainsi jusqu’à ce que sa route croise celui d’un homme, un psychologue : Levy Mart. Yukito a alors 22 ans et il se lie d’amitié avec cet homme de 30 ans qu’il rencontre durant ses études dans une prestigieuse académie du Japon et dont Levy Mart est le psychologue attitré. Celui-ci s’intéresse très vite à la personnalité de Yukito et alors qu’ils lient une amitié particulière et légèrement manipulatrice de la part du psychologue, il fait une violente chute de cheval suite à une embardée de sa jument et devient amnésique, ne se souvenant plus du tout de son passé. Son caractère sous-jacent violent et colérique refait alors surface et Yukito, perdu et effrayé par ce qu’il ressent en lui, va s’accrocher au seul homme qui apprend à connaitre : Levy Mart. Enfin, Lev... il n’aime pas son prénom et il a toujours préféré qu’on l’appelle Lev.. Il en tombera profondément amoureux, désespérément amoureux.

Les contradictions de sa personnalité attireront l’intérêt du psychologue qui exercera certaines pratiques professionnelles peu recommandables dans le métier pour découvrir ce que Yukito cache en lui et pour tester les limites de ses accès de fureur et découvrir ce qu’il avait vécu enfant. Cette relation malsaine poussera Yukito à faire une tentative de suicide, voulant mettre un terme au danger qu’il pouvait représenter lors de ses crises violentes incontrôlables et dangereuses. Cependant, le psychologue, piégé dans sa propre fascination, tombera également amoureux de Yukito et lui sauvera la vie. Lui redonnant goût à la vie, l’aidant à retrouver ses souvenirs en même temps qu’il l’installait chez lui, dans son appartement de fonction de l’académie. Yukito refoulera alors ces instants et sentiments violents passés pour vivre une relation fusionnelle avec Lev.

Un an plus tard, Yukito se réveillera seul dans leur lit conjugal, abandonné dans la nuit par cet homme qui a bouleversé sa vie. Aucun mot, aucune explication, aucun moyen de le contacter. Il ne s’en remettra vraiment jamais et tombera dans une profonde dépression qui feront ressortir et assumer les sentiments les plus violents qu’il peut avoir en lui. Durant 3 ans, Yukito se transformera pour devenir tout ce que Levy Mart aurait détesté : un jeune homme bagarreur, rebelle, violent. Il touchera à la drogue, s’entrainera dans des combats de rue, multipliera les relations sexuelles sans lendemain… jusqu’au jour fatidique où, pour protéger le seul camarade qu’il s’était fait dans la rue et qui l’avait entraîné dans ce mode de vie, il battra un homme jusqu'à sa mort.

"Légitime défense" conclura la justice et après un suivi psychologique renforcé de plusieurs années qui lui permettront enfin de se relever et de faire le deuil de sa relation passée avec Levy Mart, Yukito retrouvera un peu de sérénité dans les bras d'un bibliothécaire qui l’embauchera dans sa librairie et qui stabilisera son quotidien et sa personnalité. Durant cette période, Yukito trouvera son salut dans une indifférence profonde à son environnement et aux personnes qu’il croise. Afin de ne plus être blessé à nouveau, ni être confronté au fait qu’il ne ressentait aucune culpabilité pour avoir tué un homme, il ne se laissera plus atteindre par ce que les autres peuvent lui dire ou lui faire ressentir. Il ne laissa personne, à part l’amour de son compagnon Kazumi, l’atteindre à nouveau. Il ne révélera jamais rien de son passé au bibliothécaire, gardant secret toute sa vie avant leur rencontre...

Il ne sourit plus aussi simplement, devint solitaire et se plongea avec une assiduité et une discipline militaire dans la pratique du Kobudo. La pratique de ce sport de combat continua de forger et d’endurcir son corps alors qu’il accueillait cette fois-ci pleinement la violence qu’il possédait en lui. Son talent finit par être remarqué par le Maitre auprès de qui il s’entrainait et il intégra des compétitions locales, puis régionales. Son niveau et sa maîtrise le portèrent jusqu’à certaines compétitions internationales dont il ne parlait quasiment jamais autour de lui. Il aimait ce sport et il aimait combattre. Cela lui permettait de canaliser et de contrôler parfaitement ce qu’il y avait de bon comme de mauvais en lui.

Ce fut le lendemain de ses 28 ans que Levy Mart se décida alors à réapparaître dans sa vie.

Lorsqu’il le croisa par hasard, accolé à la rambarde d’un pont surplombant le parc derrière la librairie où il travaillait, Yukito crut à une hallucination. Sauf que la vie n’avait jamais été facile pour lui et elle s’évertua à le lui rappeler jour après jour, années après années. Le retour du psychologue le bouleversa mais il n’en laissa rien paraître. Celui-ci avait apparemment quitté précipitamment le japon durant 5 ans à cause d’un procès que des patients avaient engagés contre lui et certaines de ses pratiques psychologiques illégales. Lev était tombé dans l’alcool et les années passées en Angleterre pour réussir enfin à être disculpé avaient marqué ses traits et ruiné sa réputation dans le pays. Il était donc revenu au Japon pour récupérer un poste de psychologue et surtout le jeune homme qu’il avait abandonné derrière lui. Pour le protéger disait-il, pour ne pas lui faire vivre l’enfer de tout ce procès...

Yukito repoussa froidement le psychologue, incapable de croire en la sincérité de ses excuses, incapable de lui pardonner son abandon alors qu’il avait été sa seule raison de vivre avant son départ. Il avait refait sa vie et il avait trouvé un équilibre qu’il ne souhaitait pas détruire et il réussit à rester éloigné du psychologue comme il put. Sauf que ces années n’avaient pas terni la volonté de Lev de le récupérer et encore moins la certitude qu’ils appartenaient l’un à l’autre, qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Lev s’évertua donc à lui rappeler et à multiplier les occasions de le rencontrer jusqu’au jour où il ne supporta plus le rejet de Yukito et menaça de révéler son passé à Kazumi et de s’en prendre à lui. Lev voulait lui ouvrir enfin les yeux sur cette certitude qu’il était un ange, oui, mais son ange à lui et à personne d’autres.

Sous les menaces réelles de Levy Mart, Yukito finit par mettre fin à sa relation avec le bibliothécaire et par retourner vivre avec lui en se promettant alors de faire souffrir le psychologue à la hauteur des souffrances qu’il lui avait infligées. Une relation malsaine et destructrice s’installa alors entre les deux hommes et Yukito devint un véritable bourreau : acerbe dans ses propos et dans ses actes, crachant sa fureur et sa colère contre Lev, mêlant parfois froideur et indifférence à son encontre alors que le psychologue accepta de tout endurer en attendant que Yukito se souvienne qu’il l’aimait et qu’il n’avait jamais vraiment cessé de l’aimer.

Durant des mois, Yukito se débattit contre cette certitude du psychologue, il se refusa d’envisager la possibilité que toutes ses souffrances et sa haine pour Lev signifiaient au fond qu’il était toujours désespérément amoureux de lui. Refusant de voir qu’il arrivait encore à la toucher, que ses regards sur Lev étaient parfois plus appuyés qu’ils n’auraient du, que la souffrance du psychologue le touchait et que ses rejets rendaient Lev de plus en plus malheureux, plongeant le psychologue dans une folie douce-amère qui le faisait parfois décrocher de la réalité et le rendait vulnérable…  Yukito ne voulait pas lui donner raison. Il ne voulait pas s’avouer qu’il aurait pu quitter Levy Mart s’il l‘avait vraiment voulu.

Il s’aveugla durant de longs mois jusqu’au jour où ses propres tuteurs débarquèrent chez eux.

Ce jour-là ses tuteurs, appâtés par l'argent, vinrent lui réclamer une somme considérable après avoir constaté qu’il avait participé à des compétitions internationales de Kobudo très lucratives. La charge financière que Yukito avait représenté durant son placement chez eux jusqu'à sa majorité, devait être remboursée, et avec les intérêts s'il vous plait... Yukito fut malheureusement incapable de réagir. Tétanisé en lui-même comme lorsqu’il était enfant, incapable de refuser le chantage qu’ils lui faisaient, ce fut Lev qui le protégea et les empêchèrent de mettre leur chantage et leur menace à exécution... Le soir-même, le psychologue et Yukito transportèrent les cadavres de ses tuteurs dans le coffre de la voiture de Lev pour s'en débarrasser dans le fleuve le plus profond et le plus éloigné de la ville qu'ils trouvèrent. Son psychologue un peu fou avait tué son tuteur d’un coup de couteau lent, froid et calculé… et il n’avait pu que le regarder faire. Tétanisé, oui… mais fasciné également. Et lorsque sa tutrice avait voulu s’en prendre au psychologue, il s’était alors comme reconnecté au monde réelle et il avait protégé Lev en attrapant sa tutrice pour la plaquer contre lui, un bras entourant son coup et une main sur sa bouche. Il avait senti la vie s’échapper peu à peu d’elle et rendre son dernier souffle entre ses doigts… A ce moment-là, il eut la sensation que les choses étaient enfin à leur place. Lev, lui, et ses tuteurs qui recevaient enfin ce qu’ils méritaient. Et ce fut le déclic qui rendit sa vie bien plus facile et merveilleuse par la suite.

Après cette nuit, Yukito se laissa vivre et aimer Lev aussi éperdument que le psychologue l’aimait. Maintenant persuadé de ne pas être un homme bien, ne ressentant aucune culpabilité à ce qu’il avait fait, fasciné également par cette force et cette confiance qui se dégageaient de Lev lorsqu’ils faisaient l’amour, lorsqu’ils avaient tué ensemble, il sut alors qu’il avait véritablement trouvé son âme sœur. Ils étaient le centre respectif de leur univers et Yukito accepta cette évidence avec une lucidité nouvelle qui rendit les 5 années suivantes merveilleuses.

Lev et lui déménagèrent en Amérique où ils purent faire table rase de leur passé et vivre enfin une vie normale. Enfin, normale pour eux...
Yukito se fit tatouer deux ailes immenses sur son dos, symbole de tout ce qu’il était pour le psychologue. Lev en avait été bouleversé…et il avait adoré ça. Il adorait la dévotion et l’amour infini qui transperçaient le regard du psychologue lorsqu’il le posait sur lui. Il avait la sensation d’exister à travers ce seul regard. Qu’il avait enfin trouvé sa place dans ce monde. Et pour la première fois de leur vie, ils vivaient enfin une vie paisible…
Pourtant, alors que Lev travaillait maintenant dans un hôpital psychiatrique auprès de dangereux sociopathes et que Yukito avait ouvert un centre de réinsertion pour jeunes délinquants, son quotidien fut légèrement bousculé alors qu’il voulait faire une surprise au psychologue en le suivant un soir à la sortie de son travail.

La folie du psychologue prit tout son sens lorsque Yukito vit Lev kidnapper un homme sous ses yeux alors qu’il s’engouffrait dans une ruelle sombre... pour exercer toute son appétence particulière pour le couteau. Alors qu’il aurait du être horrifié, Yukito s’aperçut qu’il n’était concerné et inquiet que concernant les mesures de sécurité que Lev aurait du prendre pour ne pas se faire prendre en flagrant délit. Après tout, il était en partie responsable de la folie dans laquelle le psychologue était lentement mais sûrement tombé... Alors il accepta alors ce côté sombre de Lev et lui fit jurer de ne jamais se faire prendre, ni que le sujet soit remis sur le tapis. Il choisit de ne pas s'inquiétait du fait que cela ne lui pose pas plus de problème de conscience. Dès que cela concernait Lev, il devait simplement le protéger...

2 ans plus tard, Lev le demanda en mariage et il accepta avec un bonheur absolu.

Lev était son ancre, celui qui le maintenait en vie et dans la réalité et qui l’acceptait tout entier, inconditionnellement.
Lui était son ange, son ange gardien…

« Toi et moi… à la vie, à la mort. »



Et la mort attendit le jour le plus heureux de la vie de Yukito pour s’abattre sur Lev et pour l’emporter d’une rupture d’anévrisme le jour de son mariage, alors qu’ils échangeaient leurs vœux.

A partir de cet instant là, tout était devenu flou. Tout semblait irréelle et indescriptible…

Il se souvenait à peine des ambulanciers embarquant le corps de Lev, inanimé à ses pieds, alors qu’il l’avait fixé des minutes durant – peut-être des heures ?- allongé là, devant lui, le regard sans vie. Il n’avait pas pu mourir, il ne l’avait pas abandonné, pas encore. Quelque chose en lui s’était bloqué sur cette image et refusait d’avancer dans cette réalité. Il ne se souvenait pas très bien des 48h qui avaient suivi, il n’y avait que des flashs dans son esprit…. Des médecins, les lumières aveuglantes d’une ambulance, un drap blanc recouvrant un corps, le costume de son mariage sale et couvert de sang.

Il ne sut jamais s’il s’était simplement endormi ou s’il avait perdu connaissance, mais lorsqu’il reprit véritablement conscience, la mort de Lev s’imposa enfin à son esprit. Alors il sut qu’il n’avait plus qu’une chose à faire. Une seule et il pourrait le rejoindre.

Mais lorsqu’il regarda autour de lui, il ne reconnut rien. Il mit plusieurs minutes à comprendre, anesthésié par ce qu’il venait de vivre, qu’il n’était même plus au japon. Qu’il y avait un sac à dos et une lettre à côté de lui. Lorsqu’il s’empara de la lettre, comme un pantin désarticulé, et qu’il se mit à lire ce qui apparemment lui était adressé, il se mit lentement à sourire. Doucement, lentement… il sourit, puis le sourire s’élargit et fit place à un rire lent et saccadé, un rire un peu fou.

Eternally.

Alors il était peut-être déjà mort. Et il avait atterri en enfer.

Il ne chercha même pas à comprendre comment il avait atterri là, pourquoi, qui. Ca n’avait au final aucune importance. La vie lui avait enlevé tout ce qu’il avait de plus cher, tout ce qui en faisait sa saveur. Et maintenant, on l’avait envoyé en enfer pour voir s’il pouvait survivre. Encore.

Mais il n’avait aucune envie de survivre. Alors il rit encore plus fort, véritablement de bon cœur. Jusqu’à en pleurer. Et puisque les larmes commencèrent à couleur, elles ne s’arrêtèrent plus. Et il se vida sur place en même temps que toute étincelle de vie dans son regard...

Plus rien n’avait de sens.

Eternally voulait qu’il survive le plus longtemps possible dans son chaos ? Alors il le ferait, jusqu’au jour où la mort voudrait bien de lui également.

Il prit le sac à dos et lorsqu’il le fouilla, il y trouva ses Sais. Les deux tridents de ses compétitions, ses armes. Son âme.

« Regarde, Lev. Au final, on dirait que nous allons bien nous amuser ici… »

Il sourit doucement, le regard vague. La loi du plus fort, le chaos… très bien, parfait. C’était exactement ce que sa vie était devenue. Il se mit en marche, avançant automatiquement au seul endroit que cette carte dans son sac lui indiquait vraiment. Il accrocha son regard sur ce mot, « yellows ».  Peu importait ce qu’il trouverait là bas. Il savait se battre, on pouvait même dire qu’il était un adversaire redoutable. Il avait déjà tué. C'était sûrement cette faculté à se battre et à tuer malgré tout qui avait du intéresser ses ravisseurs… A Eternally, il n'aurait plus à se cacher, à mentir ou à être quelqu'un d'autre. Ici, il y aurait bien des personnes qui lui trouveraient une utilité quelconque. Le reste importait peu, du moment qu’on lui donnerait des choses à faire, bonnes ou mauvaises. Il ne penchait ni l’un ni pour l’autre.

Il fallait juste passer le temps.
Ce temps qui lui rappelait à chaque seconde à quel point il était seul.