Benedict est brun et ses yeux sont d’un marron assez clair pour qu’ils semblent mordorés. Ses traits, comme toute sa personne, on pourrait dire, sont très bien dessinés. Sa bouche est parfaite, son nez n’en est pas loin - tout dépend de notre définition de la perfection pour un nez - il a de grands yeux, peut-être un peu trop grands, très expressifs, des pommettes bien sculptées, son menton n’est pas trop proéminent et ses dents blanches sont parfaitement alignées. Il a les cheveux épais et plutôt soyeux, mais reste qu’ils ne poussent pas vite, comme l’ensemble de ses poils. Il faut dire, il est quasiment imberbe, ce qui pourrait complexer s’il n’avait pas autre chose à penser que son apparence. Sa corpulence est acceptable pour son âge et pour là d’où il vient, étant dans la moyenne de taille, laissant donc présager qu’il pourrait encore grandir, mais au camp, il était loin derrière la plupart de ses camarades en terme de musculature. Il n’est pas faible pour autant, juste que ses muscles sont fins mais bien présents.
Il a de très bons sens, le moins développé étant le goût, même s’il reste tout à fait dans le norme et cela lui facilite bien la vie. Malheureusement, il manque encore de réflexes, trop concentré dans l’analyse des situations. C’est ce qui le perdra sûrement, mais il le sait.
Niveau vestimentaire, il n’a jamais eu trop le loisir de choisir quoi porter. Disons qu’il aime les vêtements pratiques, près du corps mais surtout qui lui permettent une bonne amplitude de mouvements. Finalement, son maintien prouve bien qu’il vient d’un camp militaire, même si sa démarche est plus nerveuse que propre.
Il a une cicatrice au bas ventre qu’il tient d’un petit accident de parcours vers 12 ans. Au sens propre, hein. C'est une déchirure due à un passage trop rapproché sur un obstacle en métal coupant.

D’un premier abord très distant, il paraît même hautain et froid… au second abord aussi d’ailleurs. Disons que pour le voir se dérider, il faut vraiment apprendre à le connaître ou le surprendre dans un moment de faiblesse. En clair, il a une sacré carapace et aussi un mauvais caractère, mais passons. Ayant vécu sans réellement avoir le choix de quoi que ce soit dans sa vie, il est plutôt du genre à réagir en fonction de comment les choses se présentent, mais il ne laisse rien  au hasard, surtout en ce qui concerne sa survie. C’est quelqu’un de très observateur et qui analyse tout avant de prendre une décision. A cause de tout ça, il faut dire qu’il oublie un peu de prendre en compte ses émotions ou essaie surtout de faire comme si elles n’existaient pas si elles le dérangent. Du genre à se barricader derrière ses connaissances scientifiques au lieu de dévoiler ses faiblesses. Pragmatique.
Mais ce qui est justement le plus drôle, c’est quand on le met au pied du mur, quand on arrive à de déstabiliser, il peut perdre ses moyens de façon assez surprenante et se montrer vraiment timide… ou péter un gros câble. Il est aussi capable de rire et sourire, hein, c’est pas un robot, mais faut s’accrocher pour s’en rendre compte.

J’ouvre les yeux, mes paupières me semblent très lourdes. Le réveil est difficile, je suis complètement sonné. Ma vision est trouble, j’arrive à peine à lever la tête… D’ailleurs, je la laisse retomber à terre le temps d’identifier où je me trouve. Il est clair que je ne suis pas à l’internat. J’ai passé tellement d’années dans cette chambre et dans le même lit que je suis quand même capable de savoir que je n’y suis pas même sans y voir, merde. Et puis, même s’il n’y a aucune voix autour de moi, aucun son évoquant une présence humaine dans les parages, j’identifie la fraîcheur de l’air, le vent, le sol bitumé sous mon corps lourd.
N’arrivant pas à me relever - c’est déjà toute une histoire pour ne serait-ce que me relever sur mes avants-bras - je tends l’oreille, je prends conscience des sensations autour de moi. Je n’ai pas très chaud, je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, mais si cela faisait plusieurs heures, j’aurais sûrement plus froid que ça. Ma vue est enfin revenue à la normale. je distingue donc que je suis actuellement dans une ruelle, à même le sol, mais ça je m’en étais rendu compte. Il y a un croisement pas loin, mais aucun bruit ne vient de la rue adjacente, non plus. Dans les parages, il n’y a rien à signaler d’autre qu’un sac à dos qui semble m’attendre, un mot y est accroché. J’essaie péniblement de me redresser. Il n’est pas bon de rester aussi exposé, je ne sais pas où je suis et rien ne dit que personne ne va essayer de me sauter dessus dans deux secondes. J’arrive donc à poser un pied à terre, l’autre genou au sol, j’attrape la sac et me tiens au mur pour tenter d’avancer. Le résultat n’est pas glorieux, je décide donc surtout de me mettre le long de la paroi, loin de toute ouverture - il y a des ouvertures de fenêtres et de porte un peu plus loin dans ma ruelle, je veux m’en tenir loin mais les garder à l’oeil, tout comme le croisement. Je me résigne à glisser à nouveau au sol, mais en restant cette fois accroupi. Cette histoire me prend la tête, j’arrache le mot du sac - le regrettant rapidement et retirant l’attache proprement par la suite, juste au cas où - et je me promets de le lire dès que je saurais ce que contient ce sac. Je ne prends pas beaucoup de précautions sur ce coup, s’il devait être piégé, je ne serais pas étalé là au milieu de nulle part, ça n’a aucune logique.
J’en sors ce qui semble être un change, un couteau, des vivres en sachets lyophilisés ou de provisions séchées et une bonne gourde d’eau.  Je prends tout de suite le couteau avec moi, me promettant de me faire un étui adéquat dès que je le pourrais. J’enfile la veste supplémentaire tout de suite, histoire de me réchauffer un coup tant que je ne me sens pas en état de me taper un marathon, mais je remets le reste dans le sac. Ce n’est pas le moment de manger, vu mon état, rien ne dit que je ne dégueulerais pas cette précieuse nourriture dans quelques minutes et pareil pour l’eau. Et puis rien en dit que tout ça est vraiment propre à la consommation.
Je suis pas con, j’ai grandi dans un camp militaire, j’ai appris à faire attention à tout, je suis même plutôt bon là-dedans et j’ai très bien conscience de ce qu’il se passe. Aujourd’hui, je suis censé fêter mon dix-huitième anniversaire, enfin, celui de mon hypothétique anniversaire, peut être bien seulement celui de mon arrivée dans le camp… donc j’imagine que je viens d’être envoyé au combat. La fameuse “porte de sortie” de l’école à la majorité… J’ai été témoin de la disparition de pas mal de mecs qui venaient d’avoir cet âge. Après, envoyé au combat, rien n’est moins sûr. J’ai l’impression de passer un test en situation réelle. est ce qu’ils vont nous observer de je ne sais où, regarder nous inoculer nous-mêmes le lent poison dilué dans la gourde pour savoir en combien de temps on meurt ? … Je suis peut-être un peu parano, mais c’était ma première mission de terrain, je ne me serais pas réveillé comme si on m’avait shooté, pour ensuite me retrouver seul ici …
Le plus simple sera sûrement de regarder cette lettre. Je le reprends donc en main et je lis le tout silencieusement, guettant toujours autour de moi, esquissant juste un mouvement vers ma nuque à un instant.

Une fois après avoir fini ma lecture, un rictus se dessine sur mes lèvres. Je touche cette putain de puce et je relis le tout rapidement.
“Né pour vivre ici”, super, ma vie a été programmé de A à Z par des tarés, sûrement entourés par des tonnes de docteurs en sociologie, psychologie et autres scientifiques divers. Est ce que je m’y attendais ? A la fois, oui et non, disons que j’ai toujours su que quelqu’un avait décidé pour moi que je serais un soldat, mais de savoir que je suis une putain d’expérience, non. Est ce que ça fait mal ? Oui, bien sûr, pauvres cons ! J’ai été “choisi” pour ce putain de jeu débile, je correspond à leurs critères, hein … Je sais pas ce qui me fait le plus chier…
Ecoeuré, je continue quand même. Je note donc que tous mes aînés sont censés être là, quelque part, mais que d’autres viennent d’ailleurs, de “l’extérieur”. Pas de bol, les mecs. Nous, on a connu que ça et on pensait vivre notre vie d’adulte comme une nouvelle vie, comme une vie, en fait. Vous, vous avez vécus … autrement, petite vie tranquille apparemment - “débauche et insouciance”, haha - mais maintenant, c’est fini. C’est con, hein. Ah, pas d’enfants, ni de femmes … mort de rire … des femmes, j’avais oublié que ça existait...
Donc, je suis enfermé dans une ville isolée du reste du monde, sans possibilité d’en sortir autre que celle qu’un des quatre gangs prenne le pouvoir total, que ici, c’est la loi du plus fort, donc que l’unification se fera avec des morts, beaucoup de morts, que je peux crever dans un piège bidon dans quelques minutes ou me faire sauter dessus par n’importe qui et tout le monde ici en sait donc plus que moi. Mais ces cons ont déjà pensé préciser que les livraisons sont sécurisées… il y a du avoir pas mal de nouveaux qui se sont faits avoir à leur première livraison alors…
Et une puce… Tout à l’heure je me demandais si je n’étais pas surveillé par des caméras dissimulées, mais c’est pire que ça, bien mieux pensé ! Une puce électronique ! Je suis un chien, maintenant ! Le pire, c’est que j’avais senti une gêne à la nuque mais que je n’avais pas réalisé que ce n’était pas du à mon état second ou au fait que j’étais au sol depuis pas mal de temps. Putain que je suis con.

Sur cette constatation, je teste un peu la réactivité de mes jambes, mon équilibre, je me redresse, m’étire, envoie le sac sans son épaule en un mouvement, ouvre les vestes que je porte et tâte le couteau que je garde en main. J’attrape leur putain de carte dans l’autre, la visualisant au mieux et la fourrant dans ma poche peu de temps après. Je jette un regard autour de moi et finis par me diriger vers la rue transversale d’un pas un peu plus mesuré que d’habitude.

Allons tenter de survivre ...