Rencontrer Alberich au sein d'Eternally pour la première fois est une expérience plutôt étrange : quelque chose dans ses manières, sa voix ou peut-être même le choix de ses mots mènent à se poser des questions. Il semble faux, ou peut-être, trop pur ? Même quand il vous adresse un sourire avenant, il semble attendre une réponse en particulier. Mais bientôt vous tournerez les talons et son souvenir se noiera sous vos inquiétudes du moment.

Vous n'y penserez plus pendant des jours ou peut-être des mois, jusqu'à entendre une voix fluette charmer une foule à l'entrée d'un bordel des Redguns. La nuit est haute et presse les uns et les autres à satisfaire leurs appétits. Pourtant, ils restent là, comme pour combler une envie d'émerveillement qui ne s'est pas manifestée depuis bien longtemps.

Soudain, il écarte avec une grâce toute calculée un des pans de son manteau rouge sanguin. Sa chevelure blonde virevolte, brillante sous le lampadaire de la rue, tout comme les boucles qu'il porte à ses oreilles... Et sous vos yeux ébahis, une nuée d'oiseaux en papier s'envole, qu'il accompagne de ses mains délicates tel un chef d'orchestre.
Le spectacle bucolique continue : les fleurs suivent les oiseaux, puis ce sont des grenouilles qui s'échappent à vos pieds. Vous riez. La cloche sonne. Il est temps d'aller manger ou de rejoindre les chambres. Alors que la foule se disperse, la silhouette élancée du magicien s'efface comme par magie.

Un magicien, à Eternally ? Une drôle d'idée.

Mais vous êtes curieux, ou peut-être que l'enfant dont vous aviez étouffé la voix commence à se manifester. Il s'appelle Alberich et les soirs de grande affluence au bordel, il vient faire quelques tours avant de travailler. En échange d'un bien de valeur, il acceptera de passer la soirée avec vous, et avec un pincée de chance, il vous dévoilera peut-être une autre forme de magie sous le couvert des draps.
Et là, il se présente à vous, le port altier et fier... et cette cicatrice au creux de ses reins, une simple ligne rose sur le blanc de sa peau diaphane. Mais ses yeux ne mentent pas : l'appréhension voile ses yeux bleus tandis qu'il guette le moindre dégoût dans votre regard. Le moindre rejet.

Alberich, c'est le charme, l'élégance et le charme sous les traits avenants de l'artiste. Il aborde sans gêne les uns et les autres, sans faire grand cas de votre groupe d'appartenance. Pour chacun, il aura un sourire et même peut-être le tour de magie qui saura éveiller la curiosité.
On le connait sûr de tout ce qu'il entreprend même à la lueur tamisée du bordel, alors qu'il échange des mots doux autant que l'alcool qui est servi.

Andy, c'est cette part d'ombre que le magicien se doit de cacher, sous peine de perdre son public. Un petit garçon ayant longtemps souffert, encore incertain d'assumer son corps et qui à chaque fois, est terrorisé de se dévoiler. Un gamin qui a appris à manipuler les autres pour se protéger.
Mais doucement il apprend à s'aimer, à se découvrir, porté par l'amour des Reds. Nourri par cette acceptation dénuée de malice, il rend chaque jour le mensonge d'Alberich plus sincère ; peut-être qu'il n'aura plus besoin de se cacher derrière ce personnage.

Il se blottit, doucement contre son torse, comme un chaton en quête d'affection. Bientôt, une main vint lui caresser la tête. Il sourit.

"Je te pensais plus... agressif."

Il rit et pinça les tétons qu'il avait sous le nez. L'autre protesta, plus amusé que réellement contrarié.

"Arrête, je suis désolé, haha...
- Tu n'es pas le premier à me le dire, tu sais ?
- C'est que tu as une sorte d'aura de... chihuahua. Haha, non me pince pas, laisse-moi m'expliquer ! Disons que... T'as toujours l'air sûr de ce que tu fais, au QG, dans le bordel. Et je t'ai jamais vu ne pas être joyeux. De bonne humeur. Te voir silencieux et calme, c'est une première pour moi. De la docilité ? J'aime bien.
- C'est grâce aux Reds. À vous tous."

Un silence flottait et seul le bruit des draps venait parfois le perturber. Alberich enfouissait son nez un peu plus et humait l'odeur corporelle de son partenaire. Sentir les autres... ça le calmait parfois. Il avait ainsi l'impression d'en savoir plus sur eux, de connaître quelque chose qu'eux ignoraient. Il se sentait bizarrement sur le même pied d'égalité ainsi.

"Un chihuahua, qu'est ce que je disais ?
- Tu veux que je te morde ?
- Pourquoi pas, ha ! T'aboie beaucoup mais au final, tu es plutôt affectueux quand on arrive à passer ta méfiance. Calme-toi, je ne critiquais pas. À vrai dire... Au début, je pensais que t'avais rien d'un Redgun."

Al cachait son visage de son amant, mais l'autre savait bien qu'il était toute ouïe.

"Je me souviens de la première fois qu'on s'était rencontrés. Au bordel des Blacks. Un air suffisant sur la tronche, emmitouflé dans une tenue trop large comme une sorte de... chihuahua qui se faisait passer pour un lévrier allemand. T'étais en train d'allumer un de leurs gars. Sur le coup, je m'étais dit que t'allais pas faire long feu, flanqué comme une meuf hargneuse. Mais j'étais venu pour une commission donc j'étais pas resté mater haha.
- Tu m'avais jamais dit ça. Et je m'en souviens pas... du tout."

Il lui donna une pichenette sur le crâne.

"Normal, t'étais occupé avec ton client. Puis à ce moment, j'étais passé à autre chose, les prostitués c'est pas mon truc.
- Dit-il. Mais pourquoi t'es venu me proposer alors...?
- De venir chez les Reds ? Bah comme je t'ai dit, t'avais pas vraiment l'air de t'intégrer, ni chez les Yellow, ni chez les putes, ni chez les Blacks. Puis quand j'ai appris que... heu... pour ton sexe, bah ça m'a fait réfléchir. Bon ok, j'y ai réfléchi après avoir couché avec toi, l'année dernière. Me suis dit que ça pourrait t'aider à te débarrasser de tes complexes."

Il lui pinça les tétons une nouvelle fois, avec plus de force et se dégagea de l'étreinte. L'autre s'excusa après quelques injures, avant de revenir l'envelopper de ses bras. Le dos contre son torse, Alberich avait le regard songeur ; les paroles de son amant avait ravivé d'autres souvenirs, moins plaisants mais bien moins douloureux maintenant.

"Ce sont pas des complexes.
- Raconte-moi alors. Je n'y connais rien mais toi, je te connais un peu. Alors explique-moi."

Un soupir.

"Je ne suis pas né comme... ça. On avait annoncé à mes parents que sa petite fille était née avec des testicules, et que le choix logique était donc de faire une chirurgie. Trouble de différentiation sexuelle. Ils avaient choisi l'opération pour me faciliter la vie, que je puisse avoir des enfants, une famille plus tard.
Mais ils n'avaient pas prévu les visites médicales régulières, et les abus jusqu'à mes quatorze ans. Deux pourcent de la population est intersexuelle. Un cas de médical rare ! Haha... Alors c'est normal de m’ausculter devant les étudiants, de me toucher pour expliquer ce qui m'était arrivé, comme..."

Alberich s'interrompit un instant. Il souffla longuement. L'étreinte se resserra.

"Ça va. Pardon. Bref, j'en ai eu assez et la logique d'une adolescente qui se fait agresser est simple. J'ai fugué. Je savais que ça aurait continué jusqu'à la fin de ma puberté... Il y avait ça, puis l'école. C'était la meilleure solution et je ne le regrette pas.
Je me suis fait des bons amis, à la rue. C'était comme un jeu. On volait, courrait, bernait les commerçants, évitait les services sociaux ; terminer en orphelinat ou dans une famille d'accueil... Hors de question. Eternally c'est un peu comme ce temps-là. C'est chacun pour soi, mais on ne peut s'empêcher de chercher la compagnie des autres hein ?"

La question vint après un autre silence songeur.

"Et pour la magie ?
- Ah. J'avais rencontré un type qui arnaquait les touristes et franchement, j'avais trouvé ça fantastique. Il s'est entiché de moi, et on a vite fini par partager la scène et les rues. Alberich s'est affirmé à ce moment-là.
- Et il est encore là...
- Je n'ai pas envie qu'il disparaisse. Au fond, je sais que je suis Alberich. J'aimerais juste qu'Andy s'efface.
- Je préférerais que personne ne disparaisse, moi."

Il l'attrapa avec douceur par la hanche.